Synthèse 3 : DYNAMIQUE ET COMPORTEMENTS CELLULAIRES
Ce cours en ligne synthétique reprend les points de programme suivants :
- Description de la division cellulaire (focus sur le rôle du cytosquelette division et importance des modalités de division sur le devenir cellulaire)
- Description de la différenciation
- Description de la migration
Synthèse 3 : DYNAMIQUE ET COMPORTEMENTS CELLULAIRES
Dynamique
et comportements cellulaires
La genèse d’un individu (animal ou végétal) au cours du développement fait intervenir divers comportements cellulaires (Figure 1) : la division qui permet de passer d’une unique cellule œuf à des centaines/milliers/millions/milliards de cellules selon l’espèce considérée ; la croissance en taille des cellules (on parle d’élongation chez les plantes); la différenciation cellulaire qui correspond à l’acquisition des fonctions, propriétés et morphologies propres à chaque cellule au sein de l’organisme ; la migration qui permet aux cellules de se déplacer dans l’embryon pour atteindre la destination qui est la leur (chez les animaux uniquement puisque les cellules végétales sont immobiles du fait des contraintes exercées par la paroi). À cela s’ajoute la mort cellulaire que nous n’étudierons pas cette année mais qui contribue à modeler certaines régions de l’embryon. Ces différents comportements cellulaires sont coordonnés dans le temps et dans l’espace par le biais d’interactions incessantes entre cellules. Cette communication intercellulaire a fait l’objet de la synthèse 2.

Figure
1 : Comportements cellulaires et développement embryonnaire.
Dans cette synthèse, nous travaillerons sur division,
différenciation et migration à l’échelle de la cellule.
D’autres synthèses seront consacrées à l’étude de ces processus au sein de
l’organisme en développement (synthèses 6 à 9). La synthèse 6 sera en outre consacrée à la croissance des cellules végétales ou
« élongation ».
La division cellulaire
Généralités
Le cycle cellulaire des cellules des
eucaryotes supérieurs comprend quatre phases (Figure 2). Durant deux de ces
phases, phase S et phase M, les cellules exécutent les deux événements
fondamentaux du cycle : (i) réplication de l’ADN (phase S, pour synthèse)
et (ii) partage rigoureusement égal des chromosomes entre les 2 cellules filles
(phase M, pour mitose appelée également « division conforme »).
Quantification du nombre de cellules dans les différentes phases du cycle par cytométrie en flux
La cytométrie en flux est une technique permettant de faire défiler des cellules à grande vitesse dans le faisceau d'un laser, en les comptant et en les caractérisant une par une. Regardez la vidéo suivante qui vous expliquera son principe général (activez les sous-titres en français !) :
Vous avez vu qu’on peut donc caractériser et compter des cellules sur la base :
- De leur taille ou granulosité
- De l’intensité de fluorescence qu’elles émettent après les avoir marquées avec un fluorochrome (via par exemple un immunonomarquage ou l’expression forcée d’une protéine fluorescente)
Les cellules en culture sont naturellement
asynchrones ; on trouve donc à un moment t donné des cellules en G0 ou G1,
d’autres en S, d’autres en M, d’autres en G2. Pour quantifier le nombre de
cellules présentes dans une phase donnée du cycle cellulaire au sein d’une
population en culture, il suffit de marquer leur ADN avec un intercalant
fluorescent (comme l’iodure de propidium ou le DAPI). L’intensité de
fluorescence sera proportionnelle à la quantité d’ADN dans le noyau (Figure 3).
Nous retravaillerons sur cette technique en TD.
Figure 3 : Histogramme typique montrant le nombre de cellules détectées en ordonnée en fonction de la fluorescence émise (en abscisse) pour une population cellulaire marquée avec un colorant de l’ADN fluorescent.
Mécanistique de la mitose (focus sur le cytosquelette)
Les particularités de la mitose chez les végétaux, en lien avec la présence de la paroi pectocellulosique, seront détaillées dans le cours de Marianne Delarue. Les étapes de la mitose animale constituent des pré-requis de L1. Revoyons tout d’abord la structuration du cytosquelette d’une cellule en cours de mitose (Figure 4).

Modalités de la division et destin cellulaire
Si la division cellulaire est indispensable à l’acquisition de la multicellularité au cours du développement embryonnaire, elle joue également un rôle important dans la morphogenèse des tissus et la diversification cellulaire. Plusieurs paramètres peuvent jouer :
- L’orientation de la division. La Figure 6 montre par exemple comment l’orientation d’une division permet d’épaissir ou d’allonger un tissu.
- La nature symétrique ou asymétrique de la division (Figure 7). Si en termes génétiques, les 2 cellules filles issues d’une division mitotique sont identiques, en revanche elles peuvent différer dans la nature des déterminants cytoplasmiques dont elles héritent ou se retrouver dans des environnements distincts à l’issue de la division (par exemple, l’une maintenant une interaction avec une lame basale et pas l’autre). Nous verrons dans d’autres synthèses qu’une division asymétrique peut grandement influencer le destin des cellules filles.
- La nature du cycle cellulaire.
Des cycles cellulaires modifiés peuvent moduler le niveau de ploïdie de
certaines cellules (« endopolyploïdisation » ; Figure 8). Ce
phénomène est très fréquent chez les plantes (on le rencontre chez 90% des
angiospermes). Nous verrons des exemples de ces conséquences sur le
développement en TD.



La différenciation cellulaire
Généralités
La différenciation est l’ensemble des processus qui permettent à une cellule d’acquérir, de maintenir et de moduler ses fonctions spécialisées. Au cours de la différenciation, les cellules acquièrent leur forme définitive, on parle de morphogenèse cellulaire. Cela inclut l’acquisition d’une éventuelle polarité et la mise en place de structures subcellulaires particulières (Figure 9). Les cellules différenciées expriment en outre un ensemble de gènes/protéines spécifiques de leur fonction.
Dynamique de la différenciation

Figure 10 : Chaque cellule différenciée d’un organisme animal ou végétal dérive de cellules progénitrices. Au fil de leurs divisions, ces cellules sont soumises à diverses influences qui modulent l’expression de gènes et conduisent donc à la synthèse de protéines spécifiques. Ces dernières régulent le destin cellulaire et conduisent les progéniteurs à se différencier en divers types cellulaires. L’ensemble des cellules issues d’un ancêtre commun s’appelle un lignage.
Prenons l’exemple de la différenciation des cellules musculaires (ou différenciation myogénique). En culture, les progéniteurs musculaires (appelés myoblastes une fois déterminés) sont capables de proliférer tant que des facteurs de croissance sont présents dans le milieu. En leur absence, la prolifération s’arrête (sortie du cycle cellulaire) puis la différenciation débute. Ce processus est progressif. Il nécessite l’expression de protéines qui vont constituer l’appareil contractile musculaire (comme des isoformes spécifiques d’actine) ou d’enzymes particulières (comme la créatine phosphokinase, une enzyme impliquée dans le métabolisme musculaire). D’un point de vue structural/morphologique (Figure 11), on observe dans un premier temps des événements de fusions cellulaires qui forment les myotubes polynucléés. Puis, l’appareil cytosquelettique se met en place pour conférer aux cellules leur contractilité. On parle de myocytes ou myofibres quand la cellule est complètement mature et fonctionnelle. Ce « programme de détermination/différenciation » est sous le contrôle de facteurs de transcription de la famille MRF (« Muscle Regulatory Factors ») incluant les protéines MYOD, MYF5, Myogénine et MRF4. De nombreux signaux extracellulaires contribuent in vivo à réguler ce processus dans le temps et dans l’espace.
Figure 11 : Détermination et différenciation des cellules musculaires striées. Observez la morphogenèse progressive de la cellule musculaire au cours de sa différenciation.
La migration cellulaire
La motilité cellulaire
De nombreux types de cellules animales sont pourvues de motilité (faculté à se déplacer ; à distinguer de « mobilité », fait de se déplacer). On connaît par exemple le cas des cellules cancéreuses métastatiques capables de s’échapper d’une tumeur primaire pour aller coloniser d’autres organes. Mais la migration est aussi un processus physiologique qui joue des rôles clefs chez l’adulte (réponse immunitaire, cicatrisation, coagulation…) et au cours du développement embryonnaire animal. Nous en verrons un exemple au cours de la synthèse 8, consacrée à la migration des cellules de crêtes neurales. Voyons tout d’abord la migration à l’échelle cellulaire.
La transition épithélium-mésenchyme : étape préalable à la migration des cellules épithéliales
Les cellules ne peuvent pas entamer leur migration tant qu'elles sont cohésives. Pour migrer, une cellule initialement de nature épithéliale doit donc effectuer une transition d'un état épithélial à un état mésenchymateux. La Figure 12 montre les étapes de cette transition.
RAPPELS de la synthèse 2 :
- CARACTÉRISTIQUES D’UN ÉPITHÉLIUM : (i) interactions cellulaire cohésives entre cellules; (ii) existence de domaines membranaires (apical, basal, latéral); (iii) existence de jonctions serrées entre les domaines apicaux et latéraux; (iv) polarisation; (v) immobilité du groupe cellulaires relativement à l’environnement local.
- CARACTÉRISTIQUES D’UN MÉSENCHYME : se définit par opposition à l’épithélium (i) interactions cellulaires faibles ou absentes; (ii) absence de membranes apicale et latérale; (iii) absence de polarisation; (iv) possible mobilité cellulaire.
Figure 12 : La Transition Épithélio-Mésenchymateuse (TEM). Les cellules en TEM subissent une réorganisation de leurs filaments d'actine et perdent leur adhérence cellule-cellule (par une diminution de l'expression des cadhérines). Les cellules dégradent également la lame basale qui borde l'épithélium grâce à la sécrétion d’enzyme spécifiques. Elles peuvent ensuite « s’échapper » par délamination. Ce phénomène peut être réversible, les cellules subissant alors une Transition Mésenchymato-Épithéliale (TME).
Mécanistique de la migration
Commencez par regarder ce film qui décrit la migration cellulaire :
Les points importants à retenir sont :
- La migration est déclenchée par la réception d’un signal extracellulaire.
- Pour migrer, les cellules ont besoin d’un support permissif, assuré par des protéines matricielles (comme la fibronectine ou la laminine) et reconnu par des intégrines localisées au niveau de zones d’adhérence appelées contacts focaux.
- La migration fait intervenir des remaniements importants du cytosquelette d’actine.
Observez maintenant les étapes de la migration décrite en Figure 13. Chaque
cycle migratoire inclut l’extension d’une protrusion exploratoire qui va venir
former de nouveaux contacts focaux à l’avant de la cellule. Selon la forme de cette
protrusion (dépendant de l’organisation du réseau d’actine qui se met en place),
on parle de filipode (pic en une dimension), de lamellipode (large extension
plate, en deux dimensions) ou de pseudopode (en trois dimensions). Puis, la
contraction de filaments d’actine à l’arrière va engendrer la translocation du
corps cellulaire vers l’avant. Les contacts focaux postérieurs sont ensuite
déconnectés : la cellule a donc avancé et le cycle peut reprendre.
Figure 13 : Étapes de la migration.